dimanche 5 janvier 2014

"Billy" d'Anna Gavalda

J'ai autant de tendresse pour Anna Gavalda que pour Amélie Nothomb. Je trouve que quand un écrivain écrit un chef d'oeuvre ("Ensemble c'est tout" et "Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part" pour la 1ère et "Hygiène de l'assassin pour la 2nd), on se doit de lire les suivants (dans l'espoir d'un nouveau  chef d'oeuvre) et  on se doit aussi de leur pardonner lorsqu'ils n'en sont pas (ce qui arrive souvent, il faut bien se l'avouer). 
Et puis, il faut aussi reconnaître que les deux auteurs tournent souvent autour de leurs thèmes fétiches, nous n'avons jamais guère de surprise. Tant pis ou même tant mieux.

Et bien pour moi "Billy" n'est pas aussi merveilleux qu"Ensemble c'est tout" mais il s'en approche. J'ai été très touchée par ce livre. Comme d'habitude, Anna Gavalda écrit sur des écorchés "des combattants de l'invisible, des délocalisés d'eux-mêmes, des qui sont en apnée du matin au soir et qui en crèvent parfois, oui, qui finissent par lâcher prise si personne les repêche un jour ou s'ils n'y arrivent pas tout seuls" (p.37). Sur des gens à qui la vie fait du mal, mais qui s'accrochent à un être, à une étoile, à leur fond d'humanité pour trouver la force de s'en sortir (oui cela finit bien, comme svt chez A. Gavalda: c'est un livre "doudou").

Il y a Billy, il y a Franck. La vie ne leur fait pas de cadeau alors ils vont la prendre à bras le corps et ils vont se battre et s'entraider. Le résumé du livre n'est pas plus compliqué que cela (oui je sais, on dirait aussi le résumé d' "Ensemble c'est tout").

La force du livre réside pour moi dans le style: Anna réussit à écrire et à faire réagir son héroïne comme une vraie jeune fille rebelle de 16 ans, abîmée par la vie. C'est très réussi (j'avais l'impression d'entendre certains élèves). "Où que j'aille depuis que j'étais née, je dérangeais. Où que j'aille, quoi que je fasse, quoi que j'essaye, je me trouvais toujours dans le passage et je prenais des gnon pour la peine." dit Billy p 144.
Et puis finalement toute la 1ère partie du livre se joue en toile de fond avec le célèbre "On ne badine pas avec l'amour" d'A. Musset. (Oui, cela fait penser au film "L'esquive"...) C'est magnifique, de voir Billy expliquer comment elle comprend l'oeuvre et comment son ami Franck, homosexuel qui n'ose pas l'avouer à ses parents, se débat avec sa sensibilité et la peur de sa famille. Pour lire ce livre, il faut d'abord se délecter de ce merveilleux texte de Musset:

"Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux ou lâches, méprisables et sensuels.
Toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées.
Le monde n'est qu'un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange.
Mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres, si imparfaits et si affreux.
On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux.
Mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit :
j'ai souffert souvent, je me suis trompé quelques fois ; mais j'ai aimé.
C'est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui."
On ne badine avec l'amour, Alfred de Musset, 1834

Sous la plume de Billy, cela devient "A apprendre, ce serait coton...Mais c'est vrai que c'est dommage parce que le plus beau de cette scène, tu verras, c'est tout à la fin, quand Perdican s'énerve et explique à Camille que oui, tous les hommes sont des nazes et que oui, toutes les femmes sont des morues, mais qu'il n'y a rien de plus beau au monde qui ce qui se passe entre un naze et une morue quand ils s'aiment..."

"Billy" m'a plu, il est pour moi conforme à ce que j'attends d'Anna Gavalda: une écriture intéressante, jolie ou crue, une histoire simple mais émouvante, des personnages écorchés qui s'en sortent par la solidarité.

Je termine par mon passage préféré:
"Ils sont tombés amoureux chacun de leur côté, amoureux pour de vrai, amoureux avec de l'amour à l'intérieur. Ils y ont cru, ils se sont racontés, ils se sont motivés, ils ont déchanté, ils se sont pris des sots, des pelles et des râteaux, ils ont ri, ils ont pleuré, ils se sont consolés et ils ont fini par apprendre Paris. Ses codes, ses privilèges et ses servitudes. Ses grands fauves, ses territoires et ses points d'eau.
Ils ont travaillé comme des chiens, ils se sont nourris, pansés, beurrés, dégrisés, engueulés, quittés, gavés, gâtés, pourris, détestés, sevrés, réinitialisés, déçus, adorés. retrouvés et épaulés tout du long et surtout, ils ont appris à lever la tête ensemble.
Ce sont eux qui ont vécu.
Ce sont eux".

Musset version 2013. Ca ne vaut pas l'original mais quand même, c'est beau non?


4 commentaires:

  1. Je suis déjà touchée par la photo de la couverture, c'est dire... Je suis comme toi, je n'ai pas aimé toute la bibliographie de Gavalda (je n'ai pas aimé du tout, par exemple, "La Dilettante").
    Ce livre ainsi que celui qu'elle a écrit pour la jeunesse sont sur "ma liste"...

    Sinon, je te conseille "La petite communiste qui ne souriait jamais" de Lola Lafon. Je ne l'ai pas encore lu mais toutes les critiques sont assez unanimes à son sujet.

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  2. et tu verras que la couverture du livre a bien un sens par rapport au récit. Comme toi je n'ai pas du tout aimé "la consolante" et j'ai peu été touchée par "je l'aimais". Mais je pense que celui-ci est un meilleur cru et surtout qu'il te plaira...(j'espère ne pas me tromper!)

    Merci pour le conseil sur "La petite communiste qui ne souriait jamais". Je viens de lire le résumé, effectivement, ca a l'air prometteur. Il sort le 08/01. Encore un livre sur ma (très longue) liste! Mais c'est décidé, l'année 2014 sera encore plus littéraire que jamais! J'ai trop été frustrée en 2013...

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  3. Ah oui, mince, "La Consolante"! La Dilettante, c'est le nom d'une maison d'édition!

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  4. Tu es toute pardonnée, c'est justement le nom de la maison d'édition d'A.Gavalda

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