samedi 1 mars 2014

"Sombre dimanche" d'Alice Zeniter

Mon amie Orlane m'a offert ce livre français traitant de l'histoire hongroise. Merci pour cette bonne surprise!
Alice Zeniter est une jeune écrivaine française bardée de diplômes et ayant vécu en Hongrie. Elle raconte ici l'histoire d'une famille hongroise sur plusieurs générations. Il y a Imre le grand-père déchiré par la présence des nazis puis des soviétiques et à jamais en colère; son fils, Pal que le grand père rejette pour avoir été le fruit d'un viol, "Pal n'avait jamais l'air d'aller bien. Mais aller raisonnablement mal était probablement sa manière personnelle d'aller bien"; et puis il y a son petit-fils, Imre, héros déchu d'une Hongrie qui fait de lui un personnage résigné, aimant et perdu, lui qui "pensait que le travail absorbe la tristesse, qu'il suffit de ne pas avoir le temps de pleurer pour que les choses s'arrangent." Il en arrive aussi à constater amèrement "est-ce que la vie pouvait n'être que ça? Cette succession d'espoirs et de dépressions, l'un faisant toujours oublier l'autre, malgré les années et le peur de sagesse qu'on pouvait en tirer? Est-ce que c'était possible qu'il n'y ait pas plus?"
Sur fond d'histoire hongroise, ces personnages tentent de s'accrocher à leur pays, à leur vie et à leur frêle maison (un personnage à part entière).

Et puis il y a les femmes: Sara la grand-mère violée, Idilko la mère au destin tragique et Agi, la fille brisée par un amour déçu et un avortement dévastateur, elle qui "prétendait qu'elle suffoquait dans son pays sans rivage. Elle associait toujours la mer à l'ivresse: elle avait lu des livres qui disaient du vent et des embruns qu'ils étaient grisants." Aucune ne parvient à trouver sa place dans ce monde d'hommes brisés. Et puis, il y a aussi Kirstin, le premier amour, sûre de son destin et Greta, leur fille, qui viennent éclairer un temps la vie d'Imre.  Il y aura aussi Monica, qui incarne l'incompréhension du monde occidental. Kirstin et Greta s'enfuient pour échapper à cette famille où les femmes ne peuvent être heureuses. En laissant Imre face à lui-même, à son pays et à sa maison. Lui faisant comprendre qu'"il y avait très peu de vrais salauds et de vrais saints. Il n'y avait que des hommes qui regardaient leur nombril sans jamais cesser d'être d'une banalité insoupçonnée."
Et puis il y a la Hongrie surtout, de la Seconde Guerre mondiale à l'invasion par les Soviétiques, jusqu'à la fin de la Guerre froide et l'entrée dans l'Union européenne.

Un récit triste et souvent bouleversant où chaque personnage prend véritablement corps et s'incarne dans la Hongrie du XX° siècle, pour renvoyer aux émotions universelles. "C'est insupportable à penser, se dit Imre. Que partout les gens manquent. Le monde ne sera jamais suffisamment plein. Sous trop de porches, des gens attendent, sûrs que la vie leur doit quelque chose, quelqu'un, et jamais ça n'arrive."

1 commentaire: