Biographie de l'auteur
P. Levi était un docteur en
chimie italien. P. Levi n'est guère pratiquant (il l'est plus par tradition que
par conviction) et dans son adolescence, il ne vit pas sa judéité comme très
importante dans la constitution de son identité. Ce sont les lois raciales du
fascisme qui lui en font prendre conscience.
Néanmoins, il est très
souvent brimé par ses camarades de classe à cause de sa judéité. Et pourtant
l'Italie est un des pays d'Europe où les juifs sont les mieux assimilés.
Il est arrêté pour faits de
Résistance par la milice fasciste en décembre 1943. (Il n'est pas arrêté à
cause de sa judéité)
Il fut déporté au camp
d'Auschwitz en février 1944.
Précisions: Auschwitz a la particularité d'être un
camp dit "mixte":
- c'est à la fois un camp de travail
- et un centre de mise à mort (avec des chambres à gaz
et des crématoires)
P. Levi sera sélectionné pour
le travail à son arrivé au camp. C'est un homme jeune, diplômé en chimie, ce
qui peut servir les intérêts des usines environnantes. Néanmoins comme toutes
"sélections pour le travail" celle-ci est le fait de la chance et des
circonstances (des hommes jeunes et diplômés ayant été immédiatement envoyés
aux chambres à gaz).
P. Levi fut affecté au camp
de Monowitz, un des camps auxiliaires d'Auschwitz
dont la principale mission est de fournir la main d'œuvre au chantier de
construction d'une usine de caoutchouc appartenant à IG Farben.
(Note: des usines allemandes
sont installées autour du camp d'Auschwitz pour profiter de cette main d'œuvre
servile)
P. Levi attribue sa survie à une « concaténation
de circonstances », plusieurs facteurs peuvent en partie expliquer que
P.Levi ait survécu:
- il a été déporté en février
1944, à une période où les nazis avaient besoin de beaucoup de main d’œuvre dans le
camp.
- il parle un peu l'allemand
et comprend donc les ordres
- il parvient à nouer des
alliances avec d'autres déportés
- il comprend bien le
fonctionnement du camp
- dès novembre 1944, grâce à
son diplôme de docteur en chimie, il obtient un poste "relativement
privilégié" dans le laboratoire de l'usine de production de caoutchouc
d'IG Farben.
- il a reçu de l'aide d'un
civil italien qui lui a donné de la nourriture supplémentaire jusqu'à
l'évacuation du camp.
Lors de celle-ci, Primo Levi,
atteint de scarlatine,
est abandonné à son sort par les SS dans l'infirmerie du camp au lieu de partir pour la marche de la mort.
I) Un des premiers témoignages historiques sur
la Shoah
Au retour des camps, les
déportés parlent peu. Beaucoup n'arrivent pas à exprimer ce qu'ils ont vécu. De
plus, ils ne trouvent pas un public très réceptif. Les gens viennent de vivre
une période très difficile et peu ont envie d'entendre l'horreur des camps.
P. Levi écrit le récit de son
expérience à son retour en Italie. Il considère qu'il est de son devoir de
témoigner.
Il a des difficultés à être
publié car il n'a pas de passé littéraire et peu de relations. Son livre est
néanmoins publié en 1947 à 2500 exemplaires. Il n'est vendu qu'à 1500
exemplaires. Son livre est donc peu lu et a un écho relativement faible.
Si c'est un homme ne sera traduit en anglais qu'en 1958. C'est à cette
date qu'il est publié à l'échelle internationale.
Cet ouvrage a marqué
l'histoire car c'est un des premiers témoignages écrits sur la Shoah et
particulièrement sur le camp d'Auschwitz.
Il y parle de son expérience
et de ce qu'il a vu là-bas:
- le voyage de déportation
- le fonctionnement interne
de Monowitz (les repas, le sommeil, la solidarité mais souvent le "chacun
pour soi", les kappos, etc...)
- le travail au camp (manuel
au départ puis au sein du laboratoire de l'usine de caoutchouc)
En ce sens Si c'est un
homme est d'abord un témoignage historique sur le fonctionnement
d'Auschwitz. Il sera traduit en français
en 1987.
Notons que P. Levi n'a jamais
approché de près les chambres à gaz du centre de mise à mort, même s'il a bien
conscience de leur existence.
Il côtoie de son côté la mort
tous les jours (morts de ses camarades à cause de la faim, du froid, des
mauvais traitements, des exécutions punitives ou de la "sélection"
vers les chambres à gaz)
II) Une œuvre littéraire
L'écriture permet
à P. Levi d'exprimer les douleurs de son expérience, il dit " j'écris ce que je ne pourrais dire à
personne".
L'écriture lui fait du bien. Il
semble avoir besoin d'écrire pour se soulager. Il exprime par ses pages ses
peurs, ses angoisses, ses questionnements sur l'humanité. Son ouvrage est assez
pessimiste sur la nature humaine.
Néanmoins P. Levi dit
principalement écrire pour témoigner. Il vit le "devoir de mémoire"
comme essentiel à sa condition de survivant. Il estime qu'il est de son devoir
de raconter pour les 6 millions de juifs exterminés et réduits au silence par
les nazis.
Le poème qui
ouvre son ouvrage: "Si c'est un homme" montre bien que le recours à
la poésie lui est essentiel pour transmettre ses sentiments les plus profonds,
son émotion et son message.
Le voici:
Si c'est un homme
"Vous qui
vivez en toute quiétude
Bien au chaud dans vos maisons
Vous qui trouvez le soir en rentrant
La table mise et des visages amis
Considérez si c'est un homme
Que celui qui peine dans la boue,
Qui ne connait pas de repos,
Qui se bat pour un quignon de pain,
Qui meurt pour un oui pour un non.
Considérez si c'est une femme
Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux
Et jusqu'à la force de se souvenir,
Les yeux vides et le sein froid
Comme une grenouille en hiver.
N'oubliez pas que cela fut,
Non, ne l'oubliez pas:
Gravez ces mots dans votre coeur.
Pensez-y chez vous, dans la rue,
En vous couchant, en vous levant;
Répétez-les à vos enfants.
Ou que votre maison s'écroule;
Que la maladie vous accable,
Que vos enfants se détournent de vous."
Bien au chaud dans vos maisons
Vous qui trouvez le soir en rentrant
La table mise et des visages amis
Considérez si c'est un homme
Que celui qui peine dans la boue,
Qui ne connait pas de repos,
Qui se bat pour un quignon de pain,
Qui meurt pour un oui pour un non.
Considérez si c'est une femme
Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux
Et jusqu'à la force de se souvenir,
Les yeux vides et le sein froid
Comme une grenouille en hiver.
N'oubliez pas que cela fut,
Non, ne l'oubliez pas:
Gravez ces mots dans votre coeur.
Pensez-y chez vous, dans la rue,
En vous couchant, en vous levant;
Répétez-les à vos enfants.
Ou que votre maison s'écroule;
Que la maladie vous accable,
Que vos enfants se détournent de vous."
Il abandonnera
progressivement son travail de chimiste pour se consacrer à l'écriture.
En 1963, il
publiera la suite de Si c'est un homme: La Trêve, qui raconte son
trajet de retour vers l'Italie.
Il publiera
ensuite une douzaine d'ouvrages (des romans, des essais, des nouvelles).
Il rassemblera
ses poèmes au sein d'un ouvrage bouleversant: A une heure incertaine (1987
je crois...).
Sa poésie est
encore plus incisive que ses textes en prose. Elle lui donne la possibilité d'aller
plus loin dans l'expression de ses sentiments.
P. Levi meurt à
l'âge de 68 ans, en 1987 après une chute dans l'escalier de son immeuble. On a
longtemps cru qu'il s'était suicidé. Aujourd'hui, certains remettent en cause cette thèse du
suicide. Il n'a laissé aucune lettre.
Autres œuvres
pouvant être rapprochées ou comparées:
- les autres
ouvrages de P. Levi (A une heure incertaine entre autres)
- d'autres
témoignages, romans ou poésies sur la Shoah:
Anna Langfus Le
Sel et le souffre
Charlotte Delbo
(Poésie, Théâtre, Essais)
Tadeusz Borowski,
Le Monde de Pierre
Charles
Reznikoff, Holocauste ....
Un livre très marquant... Je l'ai étudié à l'université et je me rappelle d'un récit extraordinairement raconté. Etonnant d'ailleurs pour un scientifique.
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