lundi 11 mars 2013

Si c'est un homme de Primo Levi





Biographie de l'auteur

P. Levi était un docteur en chimie italien. P. Levi n'est guère pratiquant (il l'est plus par tradition que par conviction) et dans son adolescence, il ne vit pas sa judéité comme très importante dans la constitution de son identité. Ce sont les lois raciales du fascisme qui lui en font prendre conscience.
Néanmoins, il est très souvent brimé par ses camarades de classe à cause de sa judéité. Et pourtant l'Italie est un des pays d'Europe où les juifs sont les mieux assimilés.
Il est arrêté pour faits de Résistance par la milice fasciste en décembre 1943. (Il n'est pas arrêté à cause de sa judéité)
Il fut déporté au camp d'Auschwitz en février 1944.
Précisions: Auschwitz a la particularité d'être un camp dit "mixte":
- c'est à la fois un camp de travail
- et un centre de mise à mort (avec des chambres à gaz et des crématoires)

P. Levi sera sélectionné pour le travail à son arrivé au camp. C'est un homme jeune, diplômé en chimie, ce qui peut servir les intérêts des usines environnantes. Néanmoins comme toutes "sélections pour le travail" celle-ci est le fait de la chance et des circonstances (des hommes jeunes et diplômés ayant été immédiatement envoyés aux chambres à gaz).
P. Levi fut affecté au camp de Monowitz, un des camps auxiliaires d'Auschwitz dont la principale mission est de fournir la main d'œuvre au chantier de construction d'une usine de caoutchouc appartenant à IG Farben.
(Note: des usines allemandes sont installées autour du camp d'Auschwitz pour profiter de cette main d'œuvre servile)

P. Levi attribue sa survie à une « concaténation de circonstances », plusieurs facteurs peuvent en partie expliquer que P.Levi ait survécu:
- il a été déporté en février 1944, à une période où les nazis avaient besoin de beaucoup de main d’œuvre dans le camp.
- il parle un peu l'allemand et comprend donc les ordres
- il parvient à nouer des alliances avec d'autres déportés
- il comprend bien le fonctionnement du camp
- dès novembre 1944, grâce à son diplôme de docteur en chimie, il obtient un poste "relativement privilégié" dans le laboratoire de l'usine de production de caoutchouc d'IG Farben.
- il a reçu de l'aide d'un civil italien qui lui a donné de la nourriture supplémentaire jusqu'à l'évacuation du camp.
Lors de celle-ci, Primo Levi, atteint de scarlatine, est abandonné à son sort par les SS dans l'infirmerie du camp au lieu de partir pour la marche de la mort.


I) Un des premiers témoignages historiques sur la Shoah

Au retour des camps, les déportés parlent peu. Beaucoup n'arrivent pas à exprimer ce qu'ils ont vécu. De plus, ils ne trouvent pas un public très réceptif. Les gens viennent de vivre une période très difficile et peu ont envie d'entendre l'horreur des camps.

P. Levi écrit le récit de son expérience à son retour en Italie. Il considère qu'il est de son devoir de témoigner.
Il a des difficultés à être publié car il n'a pas de passé littéraire et peu de relations. Son livre est néanmoins publié en 1947 à 2500 exemplaires. Il n'est vendu qu'à 1500 exemplaires. Son livre est donc peu lu et a un écho relativement faible.
Si c'est un homme ne sera traduit en anglais qu'en 1958. C'est à cette date qu'il est publié à l'échelle internationale.
Cet ouvrage a marqué l'histoire car c'est un des premiers témoignages écrits sur la Shoah et particulièrement sur le camp d'Auschwitz.
Il y parle de son expérience et de ce qu'il a vu là-bas:
- le voyage de déportation
- le fonctionnement interne de Monowitz (les repas, le sommeil, la solidarité mais souvent le "chacun pour soi", les kappos, etc...)
- le travail au camp (manuel au départ puis au sein du laboratoire de l'usine de caoutchouc)

En ce sens Si c'est un homme est d'abord un témoignage historique sur le fonctionnement d'Auschwitz. Il sera traduit en français en 1987.

Notons que P. Levi n'a jamais approché de près les chambres à gaz du centre de mise à mort, même s'il a bien conscience de leur existence.
Il côtoie de son côté la mort tous les jours (morts de ses camarades à cause de la faim, du froid, des mauvais traitements, des exécutions punitives ou de la "sélection" vers les chambres à gaz)

II) Une œuvre littéraire

L'écriture permet à P. Levi d'exprimer les douleurs de son expérience, il dit " j'écris ce que je ne pourrais dire à personne".
L'écriture lui fait du bien. Il semble avoir besoin d'écrire pour se soulager. Il exprime par ses pages ses peurs, ses angoisses, ses questionnements sur l'humanité. Son ouvrage est assez pessimiste sur la nature humaine.
Néanmoins P. Levi dit principalement écrire pour témoigner. Il vit le "devoir de mémoire" comme essentiel à sa condition de survivant. Il estime qu'il est de son devoir de raconter pour les 6 millions de juifs exterminés et réduits au silence par les nazis.
Le poème qui ouvre son ouvrage: "Si c'est un homme" montre bien que le recours à la poésie lui est essentiel pour transmettre ses sentiments les plus profonds, son émotion et son message.
Le voici:
Si c'est un homme
"Vous qui vivez en toute quiétude
       Bien au chaud dans vos maisons
       Vous qui trouvez le soir en rentrant
       La table mise et des visages amis
       Considérez si c'est un homme
       Que celui qui peine dans la boue,
       Qui ne connait pas de repos,
       Qui se bat pour un quignon de pain,
       Qui meurt pour un oui pour un non.
       Considérez si c'est une femme
       Que celle qui a perdu son nom et ses cheveux
       Et jusqu'à la force de se souvenir,
       Les yeux vides et le sein froid
       Comme une grenouille en hiver.
       N'oubliez pas que cela fut,
       Non, ne l'oubliez pas:
       Gravez ces mots dans votre coeur.
       Pensez-y chez vous, dans la rue,
       En vous couchant, en vous levant;
       Répétez-les à vos enfants.
       Ou que votre maison s'écroule;
       Que la maladie vous accable,
       Que vos enfants se détournent de vous."


Il abandonnera progressivement son travail de chimiste pour se consacrer à l'écriture.
En 1963, il publiera la suite de Si c'est un homme: La Trêve, qui raconte son trajet de retour vers l'Italie.
Il publiera ensuite une douzaine d'ouvrages (des romans, des essais, des nouvelles).
Il rassemblera ses poèmes au sein d'un ouvrage bouleversant: A une heure incertaine (1987 je crois...).
Sa poésie est encore plus incisive que ses textes en prose. Elle lui donne la possibilité d'aller plus loin dans l'expression de ses sentiments.

P. Levi meurt à l'âge de 68 ans, en 1987 après une chute dans l'escalier de son immeuble. On a longtemps cru qu'il s'était suicidé. Aujourd'hui, certains remettent en cause cette thèse du suicide. Il n'a laissé aucune lettre.

Autres œuvres pouvant être rapprochées ou comparées:
- les autres ouvrages de P. Levi (A une heure incertaine entre autres)
- d'autres témoignages, romans ou poésies sur la Shoah:
Anna Langfus Le Sel et le souffre
Charlotte Delbo (Poésie, Théâtre, Essais)
Tadeusz Borowski, Le Monde de Pierre
Charles Reznikoff, Holocauste                        ....

1 commentaire:

  1. Un livre très marquant... Je l'ai étudié à l'université et je me rappelle d'un récit extraordinairement raconté. Etonnant d'ailleurs pour un scientifique.

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