mardi 26 février 2013

Syngué sabour

"Quelque part en Afghanistan ou ailleurs", ce sont par ces mots que commence Syngué sabour. En effet, ce roman pourrait se situer dans n'importe quel théâtre de guerre où les femmes sont soumises à la loi du plus fort. C'est d'ailleurs une des ficelles du roman: on ne sait jamais où l'on est exactement et qui est précisément l'héroïne (on ne connaîtra même jamais son prénom). Ce roman vise finalement à figurer toutes les guerres et toutes les femmes à qui on ne donne pas la parole.
Voici l'histoire qui nous est contée: une femme s'occupe de son mari et lui parle alors qu'il est dans le coma, dans une maison au cœur d'un théâtre de guerre. Face à son silence, elle peut pour la première fois faire preuve d'intimité avec lui, lui dire des choses qu'elle n'aurait jamais osé auparavant et elle se le figure moins cruel, moins distant et moins dur que durant la vie qu'elle a partagée avec lui. Tout au long du livre, c'est aussi le rapport au corps et à la sexualité des femmes soumises qui apparaissent aussi en filigrane. Face à la solitude de l'héroïne, désemparée mais forte à la fois, apparaissent quelques rares personnages: une tante, des parents et beaux-parents sont évoqués, quelques guerriers et un jeune garçon apparaissent comme les seuls acteurs secondaires. L'héroïne se fait violer par le jeune garçon, mais elle ne semble pas lui en vouloir à posteriori, puisqu'il est le seul humain s'intéressant à elle.

Voici un extrait assez représentatif du livre:
"Si jamais tu reviens à la vie, si tu te mets debout, est-ce que tu seras encore ce monstre que tu étais?". Une pause, sa pensée suit son cours. "Je ne crois pas. Je me dis que peut être tout ce que je te raconte peut te changer. Tu m'entends, tu m'écoutes, tu médites. Tu réfléchis..." Elle s'approche de lui. "Oui, tu changeras, tu m'aimeras. Tu me feras l'amour comme je le désire. Car tu as découvert beaucoup de choses. Sur moi, sur toi. Tu connais mes secrets. Tu es désormais possédé par ses secrets" Elle lui embrasse le cou."

La syntaxe est très particulière: les phrases sont courtes comme tranchantes. Et puis, le lecteur est toujours mis à distance par "un homme", "une femme". On n'est jamais inclus dans les dialogues. Toujours le lecteur semble regarder la scène d'un air lointain. C'est ce qui m'a le plus perturbée: cette mise à distance. D'un autre côté, on peut reconnaître que c'est volontairement très réussi: l'écriture très travaillée est perturbante, c'est sans doute ce que cherchait l'auteur.

C'est pour cela que j'aimerais vraiment voir l'adaptation de ce prix Goncourt, réalisée par l'écrivain lui-même (ainsi cela risque d'être intéressant de voir sa vision des scènes qu'il a si peu décrites dans son roman). La bande-annonce semble très prometteuse.
Malheureusement il est très peu programmé en France...

2 commentaires:

  1. J'ai regardé pour toi :
    Ciné Actuel - 74100 , Annemasse
    Cinéma de Doussard (Ecran Mobile 74) - 74210 , Doussard
    Cinéma Rouge & Noir - 74160 , Saint-Julien-en-Genevois
    Les Nemours - 74000 , Annecy

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  2. Merci! Nous sommes allés le voir à Genève finalement. J'en ferai un petit billet. Je te le conseille!

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